On le croyait définitivement enterré et oublié, mais le feuilleton de la nationalité de Moïse Katumbi resurgit et alimente l’actualité à deux mois de l’élection présidentielle en RDC. Candidat à ce scrutin, le Président de Ensemble pour la République se retrouve à nouveau au cœur d’une vive polémique, comme en 2018, au sujet de ses véritables origines et ses ambitions présidentielles. D’un père grecque et juif, Katumbi est soupçonné d’avoir détenu la nationalité italienne pendant plusieurs années. Ce qui le rendrait inéligible à l’élection présidentielle.
À la base de ce remue-ménage, ses propres communicateurs, parmi lesquels des journalistes, qui ont alerté sur une « cabale qui serait en gestation au sein du pouvoir en place pour invalider la candidature de Moïse Katumbi ». Dans les réseaux sociaux comme sur les médias sociaux audiovisuels, ils accusent notamment le Président de la cour constitutionnelle, la DGM et le chef de l’État de comploter contre l’ancien gouverneur de l’ex Katanga.
Et comme pour apporter de l’eau à leur moulin, l’ancien ministre de la justice sous Kabila, Alexis Ntambwe Mwamba offre une interview à la RFI ce jeudi matin et prend la défense de Moïse Katumbi pour tenter de taire définitivement ce dossier de nationalité. « Je n’avais pas de preuves qu’il était Italien (en 2018). C’est une page tournée. Nous sommes dans un faux débat », a-t-il déclaré.
Faut-il croire Ntambwe Mwamba ?
Ancien rebelle au sein de la milice pro Rwanda du RCD, Alexis Ntambwe Mwamba se fait surtout connaître lorsqu’il a revendiqué, au nom de sa rébellion, d’avoir abattu un avion civil en 1998, tuant près de 50 personnes dont 43 passagers, essentiellement des femmes et des enfants. Il a ensuite occupé plusieurs postes stratégiques sous Joseph Kabila et au début du mandat de Félix Tshisekedi.
En 2018, alors ministre de justice et garde des sceaux, il a été de tous les fronts pour empêcher Moïse Katumbi de rentrer au pays et de prendre part aux élections générales qui se tenaient à la fin de l’année. L’opinion se rappellera du dossier de 600 mercenaires, ensuite celui de la nationalité douteuse, Ntambwe Mwamba a tout fait pour barrer la route à celui était l’un de leur, 3 ans plus tôt.
« L’administration congolaise possède toute une série des documents, qui atteste que Monsieur Katumbi a détenu la nationalité Italienne », avait-il fait savoir dans une émission sur Top Congo, interrogé en 2018 sur les poursuites enclenchées contre Moïse Katumbi. L’ancien garde des sceaux avait l’air très sûr de lui-même, comme l’atteste la vidéo de cet enregistrement, largement partagée dans les réseaux sociaux.
Qu’est-ce qui a changé dans l’entre temps ? Qu’est-ce qui explique ce revirement à 180°? Comment comprendre cette nouvelle sortie médiatique de ce cacique du FCC en cette période où la cour constitutionnelle traite les contentieux des candidatures à l’élection présidentielle ? Ntambwe Mwamba a-t-il anticipé sur les évènements à venir ? A-t-il été sous traité pour prendre la défense de Katumbi ? Faut-il le croire ? Autant de questions que se pose l’opinion nationale congolaise en ce moment.
En RDC, les régimes changent…les politiciens aussi
Dans les pays de vieille démocratie, les politiciens défendent les idées, les projets et croient fermement en leurs idéaux. C’est ainsi qu’il est presque impossible de voir en Amérique, un républicain devenir démocrate au gré du changement des régimes. Mais au Congo, la classe politique se caractérise notamment par une versatilité sans précédent et la transhumance à outrance.
Depuis la démocratisation de l’espace politique au début de la décennie 1990, le pays connaît souvent des épisodes de « mercato » politique, les acteurs passent d’un camp à l’autre même si les idées qu’ils défendent sont totalement opposées. Ici, tout ce qui compte, ce sont les intérêts personnels, les calculs de positionnement et la quête de la gloire.
Doit-on comprendre les propos de Ntambwe Mwamba sous cet angle ? Lui qui a accepté de renier publiquement sa propre parole et d’ajouter une autre couche de discrédit sur sa personnalité largement contestée ? C’est possible. Au Congo, on a déjà tout vu!
|Par Arsène MPUNGA