Lorsqu’il se présente devant la presse en janvier dernier, 6 mois après son élection et annonce que son bilan à la tête de la province était positif, Patrick Mathias Kabeya avait trouvé très peu d’avis favorables au sein de l’opinion. D’ailleurs, parmi les journalistes réunis dans sa cour officielle pour cette conférence, rares sont ceux qui étaient d’accord avec l’autosatisfaction du gouverneur du Kasaï oriental. Tant ses réalisations étaient très peu visibles et sa discrétion rendait illisible son travail aux yeux de la population .
Depuis ce face-à-face avec la presse, comme s’il était réveillé par les questions des journalistes, l’autorité provinciale a visiblement changé de cap et de stratégie dans sa manière de gérer la province. Désormais, on le voit de plus en plus proche de la population, sa parole est moins rare et sa communication plus humaine. Dans cette analyse, nous relevons 3 indicateurs qui prouvent ce changement d’approche et rendent plus efficace l’action du gouvernement provincial.
Plus d’actions et de terrain, moins de bureaucratie
Cadre de l’UDPS, Patrick Mathias Kabeya Matshi Abidi arrive à la tête du Kasaï oriental en mai 2022 dans un contexte socio-politique difficile, où la population est en général déçue du casting opéré précédemment par le parti au pouvoir pour diriger la province d’origine du Chef de l’Etat. Les attentes sont grandes et très peu de personnes accordent la chance à cette personnalité jusqu’ici peu connue du public.
Les débuts de Mathias Kabeya ne sont pas cependant rassurants. Le nouveau gouverneur enchaîne des audiences dans son cabinet, pompeusement relayées par son équipe de communication sur les réseaux sociaux. On ne le voit que rarement sur terrain, et quand il se déplace, c’est pour inspecter les travaux lancés à Mbujimayi dans le cadre de différents programmes présidentiels.
Sur le plan social, aucun changement notable à épingler. Pire, la période de soudure de Novembre 2022 surprend son équipe gouvernementale, le prix du maïs flambe sur le marché, sur fond d’une forte spéculation. Du côté politique, le gouverneur Mathias Kabeya se brouille avec la fédération urbaine de l’UDPS, un tableau malheureusement similaire à celui de son prédécesseur du même parti, Jean Maweja Muteba.
Mais Mathias Kabeya a l’avantage de lire objectivement la situation et apporter des correctifs à sa méthode. Il initie un vaste programme de réserve agricole qui permet de labourer, dans sa première phase, plus de 800 hectares de champs de maïs (On attend toujours la mise en vente de cette production). Il prend des mesures pour contrecarrer la spéculation et stabilise le prix de cette denrée sur le marché, malgré les aléas conjoncturelles, climatiques et macroéconomiques qui engendrent des fluctuations des prix des biens et services à travers tout le pays. Dans un contexte économique précaire, il finance tout de même quelques travaux de réhabilitation de routes nationale et provinciales. Désormais, on le voit de plus en plus sur terrain, à Mbujimayi comme à l’intérieur.
Son gouvernement provincial est malheureusement butté à l’éternelle question de la modicité des recettes locales et l’absence du budget d’investissement que Kinshasa rechigne à décaisser. D’où l’idée de l’activation de la taxe spéciale conventionnelle qu’il réussit à faire accepter dans le secteur de transport, malgré l’opposition de certains conducteurs de moto-taxis. L’argent collecté pourrait servir à financer des travaux publics, comme l’espère la population.
Plus proches des gens, de ses administrés
De manière générale, les politiciens congolais aiment les foules et sont prêts à tout pour s’afficher avec la population . Pourtant, l’actuel gouverneur du Kasaï oriental a semblé, au début de son mandat, ne pas s’y intéresser. Une attitude qui n’a fait que l’éloigner d’une population habituée à « ovationner » ses dirigeants, ceux qu’elle aime bien sûr.
Et dans ce domaine, Mathias Kabeya n’a pas hésité de changer le fusil d’épaule. On le voit moins dans son véhicule aux vitres fumées, il marche dans les rues de Mbujimayi, il salue ses administrés et ne s’empêche pas de se faire accompagner dans les manifestations publiques de militants de l’UDPS munis des drapeaux, comme pour sceller leur réconciliation.
Une communication plus humaine
De part sa formation en informatique, le gouverneur du Kasaï oriental a mis sur pied, dès les premières heures de son élection, une stratégie de communication basée essentiellement sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ces outils lui ont certes permis d’atteindre un certain public, mais n’ont pas forcément à améliorer suffisamment son image de marque auprès de la population. Les films de ses activités qui ressemblaient davantage à des documentaires fiction n’ont pas vraisemblablement aidé.
Après sa conférence de presse du 22 janvier dernier, l’autorité provinciale a humanisé sa communication, en intégrant de plus en plus l’activité humaine comme la « voix off », les reportages sur sites…Bien au delà, le gouverneur s’exprime régulièrement à travers ses services dans les médias locaux.
Cependant, pour atteindre plus de personnes dans un contexte électoral où l’exécutif provincial a intérêt à se vendre auprès du public, le gouverneur devrait communiquer non seulement à travers ses plates-formes internet, mais surtout celles détenus par des journalistes indépendants et les médias traditionnels locaux. En outre, pour marquer la différence avec ses prédécesseurs, Mathias Kabeya a intérêt à initier des travaux publics à grand impact comme l’asphaltage d’une route ou la construction d’édifices publics. « Le peuple est souvent impressionné par ce qui frappe à l’oeil ».
|Par Arsène MPUNGA