Réélu Député national pour la 3e fois consécutive dans la ville de Mbujimayi, Alphonse Ngoyi Kasanji (NGOKAS) est une personnalité iconique de la scène politique congolaise, et particulièrement Kasaïenne. Avec un parcours jonché d’obstacles et marqué également par des moments de gloire et succès, la vie de cet homme est un cas d’école, une illustration de la résilience et un exemple parfait de la renaissance politique.
Loin de revisiter toute sa vie – l’espace de ce papier de ne le permettrait pas, nous revenons sur les moments marquants de son vécu politique, pour montrer à quel point son agilité à saisir les opportunités lui a permis de passer de la personne la plus controversée au parlementaire le plus préféré de la population du Kasaï-Oriental.
Deux ans d’opposition : seul contre tous
Après avoir passé 12 ans comme gouverneur du Kasaï-Oriental, Alphonse Ngoyi Kasanji se retrouve malgré lui « opposant politique », au lendemain des élections générales de décembre 2018, ayant consacré la première alternance pacifique de l’histoire de la RDC et la victoire à la présidentielle de Félix Tshisekedi. L’opposition radicale de l’époque, incarnée par l’UDPS prend les rênes du pouvoir à Kinshasa en 2019, et fait alliance avec l’ancienne mouvance, le FCC du Président sortant Joseph Kabila qui contrôle le 2/3 du parlement national et des assemblées provinciales.
Sauf que dans ce « mariage » FCC-CACH que d’aucuns ont qualifié de contre nature, certains enfants « hors mariage » sont insupportables. C’est bien le cas de Ngoyi Kasanji dont le passé tumultueux avec les nouveaux maîtres de Kinshasa est encore trop présent dans les esprits. Pour rendre les choses encore plus complexes, le franc parler de « NGOKAS » sur la gestion du pays est vu dans l’autre camp du cap pour le changement comme « un affront direct contre le chef de l’État ». Sacrilège !
Membre du PPRD, parti faisant partie pourtant de la majorité FCC-CACH, l’élu de Mbujimayi est paradoxalement étiqueté d’opposant et décide de se radicaliser face au nouveau régime qui lui ferme toutes les portes. Devenu « indésirable » dans son fief contrôlé entièrement par l’UDPS, Ngoyi Kasanji passe plus d’une année sans rentrer rendre compte à sa base sur son activité parlementaire. Son bref séjour à Mbujimayi en 2019 pour prêter son serment d’avocat est mouvementé, et même très agité.
Alors que tout est paraît contre lui, et pendant que certains prédisent la fin programmée de sa carrière politique, Alphonse Ngoyi Kasanji dispose cependant d’un levier important, son mandat de député national. Dans un contexte où tous les autres représentants du Kasaï oriental au parlement national passent leur temps à se quereller, sans jamais prendre véritablement la parole à l’hémicycle pour défendre le peuple, l’ex gouverneur lève la voix, alternant interventions percutantes, réformes et initiatives de contrôle parlementaire, jusqu’à recevoir le plébiscite de meilleur parlementaire de l’exercice.
La brèche de l’Union sacrée
Fin octobre 2020, la coalition gouvernementale FCC-CACH est au bord de l’implosion. Les divergences sont profondes et le Président Tshisekedi décide de lancer les consultations nationales dans ce qu’on a appelé « Discours de 6 minutes ». À la cité de l’UA défilent, dans les semaines qui suivent, les leaders d’opposition comme ceux de la majorité, les confessions religieuses, les structures de la société et les chefs traditionnels. Des assises boycottées par Joseph Kabila et ses caciques, entraînant le départ vers l’autre camp de plusieurs centaines de députés, dont Alphonse Ngoyi Kasanji.
« Tshobesha » (qui signifie buteur), comme l’appellent par ses partisans s’en va à l’échauffement et s’apprête à marquer dans un angle très fermé, puis commence à se rapprocher des piliers du nouveau régime, particulièrement de Jean Marc Kabund, qui était à l’époque président intérimaire de l’UDPS. Certaines sources racontent même qu’ils sont devenus très proches au lendemain du basculement de la majorité parlementaire et la chute spectaculaire de la puissance machine du FCC. Le détesté d’hier est devenu le partenaire du pouvoir, comme il sait bien le faire, NGOKAS saisissait l’occasion de ce chamboulement au parlement pour revenir véritablement au coeur du jeu politique dans le pays.
Son retour triomphal à Mbujimayi fin 2021 éteint toute la critique de ses détracteurs et le consacre comme la personnalité la plus populaire du Kasaï-Oriental, après bien sûr le chef de l’État Félix Tshisekedi. Ce jour de décembre 2021, vêtu en blanc, aux côtés de son épouse, « l’homme arrête le temps dans la ville diamantifère », comme on le lira dans la presse locale le lendemain. Des milliers de partisans et des curieux sont sortis l’accueillir, de l’aéroport de Bipemba jusqu’à sa résidence de « Monaco », parcourant à pieds plusieurs kilomètres.
Le sacre de 2023 : la consécration
Comme dans un sprint de marathon, Alphonse Ngoyi Kasanji a fini maillot jaune des députés nationaux élus du Kasaï oriental pour la législature 2018-2023. Le célèbre diamantaire distance ses poursuivants de telle sorte qu’aucune comparaison n’a été possible avec « le rendement tellement insignifiant » de tous les autres. À l’aube de la campagne électorale de novembre 2023, où il est candidat député national et provincial, il a un bilan législatif qui plaide en sa faveur et lui permet de décrocher un 3e mandat parlementaire consécutif, avant de se faire élire Sénateur du Kasaï-Oriental le 29 avril dernier.
Aujourd’hui, tous les observateurs s’accordent à dire que NGOKAS est « un félin politique, maître dans l’art de la résilience et spécialiste des REMONTADAs même les plus improbables. Il sait saisir les opportunités, contourner les obstacles et arrondir les angles pour atteindre ses objectifs. Sa force réside dans sa capacité à ne jamais abandonner tant qu’il n’a pas atteint le but ».
|Par Arsène MPUNGA